« Tu sais, considère désormais ce truc comme ton grand-père« . Juché à l’arrière d’une moto conduite par son ami, son frère ou en tout cas, une connaissance, un homme donnait ce conseil à un autre usager. Mais comment en est-il arrivé là ?
Tout a commencé quelques kilomètres plus loin. Sur l’Avenue des Tansoaba, il est 9h à Ouagadougou, capitale du Burkina Faso. Chacun « se cherche » sur la voie cabossée, qui, cramponné aux guidons de sa moto, au volant de sa voiture, aux guidons de son vélo ou à la corde de la gueule de son âne.
Premier feu tricolore. Le triloculaire a son œil rouge allumé. Tout le monde marque un arrêt. Sagement. Pourquoi ? Devant, une armada impressionnante de policiers pas du tout souriants fait le guet, casquette sur un regard acéré.
Les autres dans la cohorte se demandaient qui oserait braver un tel arsenal. Et pourtant. C’était si surprenant que le coup de sifflet strident cloua sur place les usagers de la route. Deux messieurs venaient de braver le feu tricolore au rouge. Les policiers s’y mirent à trois pour stopper leur course.
Les autres étaient si tétanisés qu’ils n’ont pas vu que leur triloculaire avait allumé son œil vert. Ce qui est vraiment très inhabituel. Il a fallu que les policiers attirent leur attention pour qu’ils daignent « bouger », avec un soupçon d’hésitation dans les roues.
Et voilà notre homme juché derrière la moto qui se mit à faire de grands gestes à son conducteur. Les grands gestes durèrent ainsi jusqu’au prochain feu tricolore. Là, il n’y avait aucun policier en vue. Et en temps normal, la tige de métal allait être allègrement et sans pitié, brûlée.
Mais ce matin-là, tout le monde marque un arrêt. Sagement. Pourquoi ? Retour sur la phrase dite plus haut :
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« Mon frère, ce truc-là (feu tricolore), c’est désormais comme ton grand-père. Si tu ne le respectes pas, tu vas être maudit : ta moto passera une semaine au commissariat ! »
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« Sans pitié ! » ajouta son « chauffeur ».
Ceux à qui le conseil était donné hochèrent la tête. Le feu tricolore passa au vert.
Moralité de l’histoire : Les gens respectent le feu tricolore, pas parce qu’ils respectent son bien-fondé, mais par peur de la sanction. C’est déjà un début et c’est bon à prendre. En attendant…
Votre serviteur
Abdou ZOURE